Calculer pour répondre à l’extrême pauvreté

My Oral Village

À la frontière du désert de Chalabi, dans les zones rurales du Kenya, Makena* et son mari ont du mal à nourrir leur famille et à envoyer leurs enfants à l’école. Ayant des capacités très limitées en littératie et en numératie, le couple a eu de la difficulté à gagner suffisamment d’argent pour répondre aux besoins de base de leur famille. Makena, qui n’a eu qu’un accès restreint à l’éducation tout au long de sa vie, ne pouvait pas lire, écrire, additionner ou soustraire des nombres avec plus de deux chiffres. 
 
Ce scénario est malheureusement trop courant dans les communautés isolées des régions arides du nord du Kenya. L’analphabétisme et l’innumératie généralisés contribuent à l’extrême pauvreté et à l’insécurité alimentaire dans la région. Les femmes adultes ont un accès limité à des cours de rattrapage scolaire et de nombreuses filles quittent l’école très tôt pour aider leurs mères avec la collecte de l’eau et l’accomplissement des tâches domestiques. Les possibilités de gagner des revenus ou de renforcement du pouvoir économique sont extrêmement limitées. 
 
Pour répondre à ces enjeux, My Oral Village (MOVE), ainsi que l’ONG kenyane The BOMA Project, ont profité de l’appui du FIT pour mettre à l’essai un ensemble de solutions novatrices visant à accroître le pouvoir économique des femmes kenyanes qui ne savent ni lire ni écrire, et qui vivent dans une pauvreté extrême. Ces solutions novatrices, appelées outils de gestion de l’information orale par MOVE, ont renforcé le programme de sortie de la pauvreté de BOMA (une initiative qui accorde des subventions de démarrage aux entreprises, qui enseigne aux femmes la numératie et les compétences commerciales de base, et qui favorise la création de groupes d'épargne et de crédit autogérés. Le projet novateur a permis aux femmes de maîtriser et d’utiliser des outils de comptabilité et de calcul financier numériques et analogiques (en format papier) basés sur les images pour enregistrer avec précision les transactions dans leurs groupes d’épargne et de crédit. 
 
L’innovation de MOVE a été mise à l’essai auprès de 450 femmes (principalement) de communautés pastorales vivant dans les régions arides qui ne savaient ni lire ni compter. Les femmes avaient été habilitées par BOMA à former un total de 150 entreprises de trois femmes qui élèvent et vendent du bétail ou exploitent des « dukas » (magasins du coin). L’innovation de MOVE a ensuite fourni aux femmes des outils transactionnels pour les aider à réussir en affaires et soutenir leurs groupes d’épargne. 

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Les innovations en matière de gestion orale de l’information ont d’abord mis l’accent sur l’utilisation du calculateur d’argent 4Share – une application Android permettant aux personnes ayant un faible niveau d’éducation de pouvoir assurer le suivi de leurs transactions financières. Cependant, l’accès irrégulier à des postes de charge a poussé MOVE à pivoter en mettant une emphase égale ou supérieure sur les options durables en format papier de gestion orale de l’information.  
 
Un défi s’est présenté au cours de la mise à l’essai du projet lorsque la région a connu sa pire sécheresse en plus de 40 ans. La sécheresse a réduit le temps que les femmes pouvaient consacrer aux groupes d’apprentissage, et elle a mis en péril certaines entreprises d’élevage de bétail. MOVE et BOMA se sont adaptés à cette réalité en créant une plateforme d’apprentissage pour soutenir les groupes de pratique autogérés, permettant ainsi aux femmes de s’entraider dans leurs apprentissages sans l’appui de l’équipe de BOMA et en fonction de leur propre horaire. 
 
Malgré ces défis, il y a eu des gains significatifs et encourageants en termes de numératie financière parmi les participantes. Leur capacité à lire et à comprendre la signification d’un nombre à quatre chiffres a plus que doublé, passant de 21 % au départ à 46 % à la fin, tandis que leur capacité à lire des nombres à deux chiffres est passée de 27 % à 51 %. Près de la moitié de l’échantillon final de 150 femmes (une de chaque entreprise) ont les capacités de base pour remplir des registres d’entreprise sans aide. D’autres résultats ont indiqué que la portée de la prise de décision des participantes a augmenté à la fois en ce qui concerne l’achat et la vente de bétail depuis le début, ce qui représente un premier pas vers l’autonomisation économique des femmes. À la fin, la plupart des participantes ont exprimé un vif intérêt à continuer d’améliorer leurs compétences en matière de calcul et de tenue de dossiers. Compte tenu de ces données prometteuses, BOMA songe à réaliser un deuxième projet pilote dans certains des mêmes endroits où les femmes ont reçu des outils de gestion de l’information orale plus tôt pendant la période de formation. MOVE soutiendra une mise à l’échelle durable du projet à l’avenir. 

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Aujourd’hui, Makena peut lire et écrire des numéros à quatre chiffres et n’a plus besoin de son fils pour l’aider à tenir ses dossiers. Grâce à une subvention de BOMA, Makena et deux amies ont lancé une entreprise de kiosque et ont reçu une formation à travers MOVE qui comprenait des registres basés sur des icônes et l’application 4Share. Cela a éveillé l’intérêt de Makena pour les affaires et les mathématiques. Le dimanche, elle rencontre d’autres femmes du projet pour continuer à développer ses nouvelles compétences. Elle est de plus en plus perçue comme une leader communautaire. 
  
« Les registres sont faciles à utiliser parce que les icônes qui y figurent me rappellent la vie quotidienne. Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école, mais je vais m’assurer que mes enfants reçoivent une bonne éducation. » 
 
Grâce à la motivation de Makena à renforcer le pouvoir d’autres femmes, les effets d’entraînement de l’investissement de BOMA et de MOVE dans son potentiel sont illimités. 
  
« Lorsque nous nous rassemblons, nous apprenons les uns des autres », souligne Makena. « Se rassembler nous aide à devenir meilleurs. » 
 
* Les noms ont été modifiés pour protéger les identités des personnes 

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