« Il y a de la dignité dans le handicap. »

CAUSE Canada

Florence*, une femme qui vit avec la cécité dans la province du nord de la Sierra Leone, s’est fait dire qu’elle n’avait aucune valeur et que son seul moyen pour survivre serait de mendier.

« En tant que jeune femme, être aveugle revient à être abandonnée », a-t-elle rapporté. « Dans ma communauté, les gens me traitaient comme un déchet. »

Les femmes et les filles vivant avec un handicap subissent des discriminations croisées en Sierra Leone. En 2015, le pays s’est classé au 151e rang sur 159 selon l’indice d’inégalité de genre du PNUD. Un rapport du FNUAP de 2020 a révélé que 62 % des femmes âgées de 15 à 49 ans avaient subi des violences sexuelles ou physiques, et que dans les districts de Koinadugu et de Falaba, 43,7 % des filles étaient mariées avant 18 ans et 98,5 % avaient subi des mutilations génitales féminines. 

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Les femmes et les filles qui vivent avec un handicap sont confrontées à un double désavantage. Les croyances communes sur les causes des handicaps incluent la possession démoniaque et la punition d’une divinité ou pour les méfaits des parents et/ou des ancêtres. Les personnes en situation de handicap sont souvent considérées comme une source de honte familiale et « pas tout à fait humaines » (Rohwerder, 2018). Il en résulte une totale désautonomisation des personnes en situation de handicap, les laissant vulnérables à la violence physique et sexuelle, à l’abandon parental et à un manque d’accès à l’éducation. Un recensement de 2015 a révélé que 63 % des personnes en situation de handicap de plus de trois ans n’étaient jamais allées à l’école. Alors que 24,1 % des garçons vivant avec un handicap avaient fréquenté l’école formelle, seulement 13,2 % des femmes et des filles avaient eu cette opportunité.

 Financé par le FIT, le Partenariat de Cause Canada en Sierra Leone a mis à l’essai une solution novatrice visant à lutter contre la discrimination et la stigmatisation auxquelles sont confrontées les femmes et les filles vivant avec un handicap. Dans le cadre de la mise à l’essai, 14 femmes ont été désignées comme « championnes » dans les districts de Koinadugu et de Falaba en Sierra Leone. La moitié étaient des femmes vivant avec un handicap et l’autre moitié étaient des femmes vivant sans handicap. Les championnes ont été formées et habilitées avec des connaissances sur les droits, les besoins et les risques auxquels sont confrontées les femmes et les filles vivant avec un handicap, ainsi que sur des méthodologies de sensibilisation, de renforcement des capacités et de leadership pour favoriser le changement. Ces championnes ont aidé des filles non scolarisées en situation de handicap, leurs parents, leurs familles et leurs communautés à définir et à planifier des stratégies précises pour améliorer l’accès aux droits.

Au début de la période d’essai, Florence a été choisie pour participer en tant que championne. Elle a déclaré:

« La mise en œuvre de ce projet… a non seulement changé la façon dont ma communauté me regardait et m’imaginait, mais elle a aussi ajouté une grande valeur en moi. Travailler avec mes collègues, et avec les femmes et les filles vivant avec un handicap, est comme un rêve devenu réalité. »

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Les effets à mi-parcours de la mise à l’essai sont prometteurs. Jusqu’à présent, l’innovation a empêché deux mariages précoces, alors que 55 % (30) des filles non scolarisées participantes étaient inscrites à l’école. 12 autres familles travaillent sur des plans pour faire inscrire leurs filles. Le plus important est cependant que le taux d’inscription a été considérablement plus élevé parmi les familles soutenues par des championnes vivant avec un handicap que par des championnes vivant sans handicap : 70 % vs 39 %. En outre, les championnes vivant avec un handicap montrent une plus grande motivation à impliquer et à influencer les autres femmes vivant avec ou sans handicap. Inspirées par leurs propres histoires et expériences, les championnes vivant avec un handicap ont créé et mis en œuvre leurs propres stratégies pour faire participer davantage de femmes et de filles vivant avec un handicap, les habiliter et les guider pour agir en tant que leaders dans la communauté. Par exemple, en faisant du porte-à-porte et en donnant aux filles leur mot à dire dans la sélection des lieux de formation.

En coordination avec les principaux leaders communautaires, les championnes ont également organisé un événement d’engagement communautaire pour présenter l’intervention et commencer à sensibiliser les gens aux droits et aux besoins des femmes et des filles en situation de handicap. Les championnes ont invité tous les membres de la communauté à collaborer avec le groupe de travail, ce qui a poussé 308 membres de la communauté (140 femmes et 168 hommes) à s’engager à appuyer le plan d’action de leur communauté.  

Ce changement dans le soutien et l’engagement de la communauté est très clair pour Florence:

« Le travail que nous avons accompli jusqu’à présent pour sensibiliser les gens aux droits des femmes et des filles vivant avec un handicap contribue grandement à changer le discours dans ma communauté. Je suis maintenant convaincue que tout n’est pas perdu et qu’il y a de la dignité dans le handicap. La rencontre sur l’engagement communautaire a placé les femmes et les filles vivant avec un handicap dans une position respectueuse. »

*Le nom a été modifié pour protéger l’identité de la participante.

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