Les hommes peuvent cuisiner — remise en question des normes patriarcales au Zimbabwe

St. Mary's Road United Church

Jane*, une mère de quatre enfants au Zimbabwe, était confrontée à l’épuisement. En plus de prendre soin de ses jeunes enfants, de cuisiner pour sa famille et de gérer son foyer, elle recevait une liste de tâches quotidiennes de la part de son mari. Elle passait plusieurs heures chaque jour à désherber les champs, à recueillir du bois de chauffage et à chercher de l’eau, sans aide ni appréciation de la part de sa famille. Son épuisement et sa charge de travail ont provoqué des conflits entre Jane et son mari, et ont affecté la dynamique de leur foyer. 
 
Dans le Rapport sur le développement humain 2020 de l’ONU, le Zimbabwe se classait au 150e rang sur 189 pays pour l’indice d’inégalité de genre. La participation politique des femmes est également très faible (classée dans les 25 % les plus bas des pays africains), ce qui est une conséquence des inégalités systémiques au sein du gouvernement, de l’industrie et des ménages. Parce que le travail des femmes est souvent basé à la maison, leurs contributions et leur rôle dans l’économie et la société sont invisibles et sous-évalués. Les hommes détiennent le pouvoir de décision au niveau de la communauté et du ménage, ce qui laisse les femmes sans voix ni capacité de parler en faveur de leurs propres besoins ou droits. En conséquence, les femmes sont surmenées et font face à des conflits internes, à des violences fondées sur le genre et à une désautonomisation. 
 
Avec l’appui du FIT, St Mary’s Road United Church et son partenaire local SCORE Against Poverty (Zimbabwe) ont mis à l’essai une solution novatrice qui a impliqué les hommes dans un programme communautaire qui redéfinit la masculinité et les normes qui y sont associées de manière positive et solidaire au niveau de la famille, préconisant l’intention plutôt que le mandat. 

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L’innovation a utilisé deux approches. Dans le cadre du concours « Les hommes peuvent cuisiner », les hommes ont pu acquérir des compétences en cuisine grâce à l’enseignement des femmes de la communauté, puis ils ont participé à un concours jugé par les femmes. Le « Forum des hommes » avait pour but de soutenir le processus d’apprentissage et de créer des espaces sûrs pour que les hommes puissent dialoguer et commencer à « décortiquer » ce qui avait été appris. Cette approche a abordé le déséquilibre du travail non rémunéré à la maison en fournissant aux hommes des compétences domestiques et une plateforme pour qu’ils puissent discuter et réfléchir aux normes patriarcales néfastes. L’innovation a impliqué 90 hommes et 80 femmes du district de Mwenezi au Zimbabwe. 
 
Les résultats confirment que l’équité de genre transformatrice peut être considérablement augmentée en peu de temps lorsque des composantes de l’équité des genres et du matériel approprié au contexte sont soigneusement mis en œuvre. L’approche a conduit à : 
 
• un impact positif multigénérationnel sur l’équité des genres,   
• une amélioration du bien-être social/émotionnel de la famille,  
• une augmentation du revenu familial et  
• une diminution de la violence fondée sur le genre dans la famille et la communauté. 
 
À la fin de la période de mise à l’essai, 100 % des participant-e-s ont indiqué que leur participation avait permis d’améliorer la dynamique de leurs ménages. Au départ, seulement 15 % des hommes avaient une vision positive/favorable de leurs épouses. À la fin, 100 % ont indiqué que leur définition de la masculinité et de la féminité avait changé « beaucoup » de façon positive/favorable. Cette transformation a été confirmée renforcée par leurs épouses qui ont indiqué que ce changement d’attitude a entraîné un changement de comportement, les hommes accomplissant plus de tâches ménagères et passant du temps avec la famille. Toutes les femmes ont indiqué que leur pouvoir de décision et leur capacité de leadership avaient augmenté à la maison pour ce qui est des décisions concernant les enfants, les soins de santé, les finances et d’autres questions liées au ménage. L’innovation a également eu des résultats positifs inattendus. De nombreuses femmes participantes ont indiqué que la violence fondée sur le genre avait diminué dans leur foyer, que la situation économique de leur famille s’était améliorée et que la perception de leur valeur dans la communauté avait augmenté. 

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Depuis sa participation à l’innovation, la dynamique familiale de Jane s’est transformée. Son mari a appris l’ampleur de son travail quotidien et comment son implication à la maison renforcerait non seulement sa relation avec sa femme, mais aussi avec ses enfants. Leur fils Joseph, 13 ans, s’est rendu compte de la nouvelle relation entre sa mère et son père et cela l’a inspiré pour apprendre à cuisiner et aider davantage à la maison. 
 
« Je pense que ces vieilles idées sont comme des bactéries, engloutissant lentement notre véritable culture et privant les femmes de leur temps de faire d’autres choses comme socialiser avec des amies et se reposer », a déclaré Joseph. « Maintenant, ma mère peut se reposer pendant que mon père cuisine ou donne un bain à mon jeune frère. Mon père est excellent pour prendre soin de nous, les enfants, et il passe beaucoup de son temps avec mon plus jeune frère. » 
 
La mise à l’essai de cette innovation a non seulement validé les hypothèses originales, mais a également entraîné la diminution de la violence fondée sur le genre (VFG) dans les foyers et l’augmentation de l’harmonie et du bien-être des familles qui ont participé à la mise à l’essai. Les participant-e-s ont noté des leçons apprises sur la valeur d’une garde d’enfants de qualité et sur le temps accru passé ensemble par les couples en raison de leur participation conjointe à des activités pendant le processus de mise à l’essai, comme voyager ensemble pour des activités et participer à des formations. Les participant-e-s ont également indiqué une capacité plus élevée à résister aux chocs économiques liés à la COVID et à la sécheresse pendant la période de mise à l’essai. 
 
Les indicateurs à plus long terme, comme de voir les hommes défendre les intérêts des femmes, les femmes avoir accès et exercer un contrôle sur des ressources familiales importantes, et les femmes avoir plus de temps libre, peuvent être considérés comme augmentant considérablement l’agentivité des femmes.   Ainsi, la transition vers l’équité des genres est renforcée parce que les hommes et les femmes ont gagné en prise de conscience et en confiance, acquis de nouvelles compétences et augmenté leurs atouts sociaux avec des relations de genre transformées, une reconnaissance communautaire accrue et un soutien pour l’égalité du rôle des femmes dans le ménage et la communauté. 
 
*Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des participant-e-s. 

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